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L'archer poète
3 septembre 2006

euh... bon, encore un texte sans titre

Assassin…

Non, c’est faux…

Assassin !...

Non, non… non…

Assassin !
Non !

  Aux yeux de la loi française, je suis un assassin. Mais, dans mon cœur, au plus profond de moi, je suis un être humain.

  Tout a commencé le jour où maman est rentrée de voyage.

Elle ne nous a jamais beaucoup parlé de son métier, peut-être pensait-elle que cela ne nous intéressait pas, ou peut-être en avait-elle honte. Je sais juste par papa qu’elle travaillait pour un laboratoire pharmaceutique. Elle partait souvent en voyage mais elle revenait toujours très vite à la maison. Ma mère est mariée depuis dix ans à mon père. Leur mariage leur a donné quatre enfants : moi, Sébastien, l’aîné âgé de dix-neuf ans, Olivier, le puîné, Thomas, leur dernier fils, et Sylvie, la cadette de la famille. Nous menions une vie tranquille dont nous étions plutôt satisfaits. En fait, nous étions une petite famille comme les autres, avec ses petits tracas et ses moments de bonheur.

  Ce jour-là, maman est rentrée vers dix-neuf heures avec papa qui était allé la chercher à l’aéroport. Elle était pâle, sans doute fatiguée par son voyage, mais quand elle nous vit, nous ses enfants, elle sourit et nous serra dans ses bras un par un. Je ne m’en suis souvenu que plus tard, mais papa était très pâle aussi. Nous avons aidé maman à ranger ses affaires, puis nous avons mangé. Comme de coutume. C’était un vendredi.

  Lundi, maman n’alla pas travailler. Elle avait décidé de prendre quelques jours de congé. Quand je rentrai, ce soir-là, papa et maman étaient assis dans la table de la cuisine. Mes petits frères et ma petite sœur regardaient la télé au premier étage.

« … ils ne savent pas ce que j’ai, souffla maman.

-Allons, ce ne doit pas être bien grave, tenta de la rassurer papa.

-J’espère… Tiens, Seb, tu es rentré ? me dit-elle avec un sourire en me voyant entrer dans la cuisine. Tu as passé une bonne journée ? »

  Je lui racontai brièvement les événements de ma journée, puis je lui demandai :

« Maman, qu’est-ce que tu as ?

-Tu nous a entendus… comprit papa.

-Je peux tout entendre, tu sais. Je suis un adulte, désormais. »

  Maman soupira.

« Ce n’est pas très grave, Sébastien. A mon retour, j’ai fait une prise de sang et les gens du labo ont remarqué que j’avais contracté une maladie inconnue. Mais ne t’inquiète pas. Tout va bien. Je tiens encore debout, non ? dit-elle avec un sourire. »

  Il faut admettre que maman a un très beau sourire. Papa nous servit une boisson chaude et nous changeâmes de sujet.

  Deux semaines plus tard, maman n’avait toujours pas repris le travail. Cette fois, elle était en congé maladie. Au début, rien ne changea : elle était toujours un peu pâle, mangeait moins, mais, sans cela, rien ne la perturbait. Ne nous perturbait. Puis, du jour au lendemain, elle commença à avoir du mal à se mouvoir. Elle mangea moins. Elle parla moins. Elle devint livide. Elle fut paralysée. D’abord, elle ne put plus bouger ses jambes. Puis vint le tour de son buste. Enfin, elle ne put plus faire de mouvement. Tout cela se passa en quelques heures.

  Nous fûmes obligés de l’emmener aux urgences. Les médecins lui firent des prises de sang, mais ils se montrèrent incapables de nous dire ce que maman avait. Un grand médecin, expert en maladies tropicales, ami de mes parents, descendit de Paris.

« C’est une maladie très rare, nous expliqua-t-il. Mais rassurez-vous, elle ne se transmet pas d’homme à homme. Marie a dû la contracter lors de son voyage.

-Et alors ? demanda papa. Que va-t-il se passer, maintenant ? A-t-elle une chance de s’en sortir ?

-Paul… C’est une maladie très rare, comme je te l’ai expliqué. Aucun labo ne s’est encore penché sur un remède… Marie va rester paralysée toute sa vie. Je suis désolé. »

  Ne voulant ajouter à notre chagrin, je suppose, le docteur Legrand nous laissa en famille. Papa et moi retournâmes dans la chambre de maman. Lui annoncer la nouvelle ne fut pas facile. Nous restâmes toute la journée avec elle, puis, elle nous demanda de la laisser dormir. Nous devions reprendre le cours de notre vie. 

  Quelques jours plus tard, maman voulut me parler. Je vins aussi vite que possible la voir.

« Sébastien…

  Je pris sa main.

-Maman, tu as besoin de quelque chose ?

-En quelque sorte… Sébastien, j’ai beaucoup réfléchi. Ce que je vais te dire va te sembler très dur, mais… Sébastien, je ne veux pas continuer à vivre ainsi. Je veux… Je veux que tu m’euthanasie.

  Je ne pus rien dire, muet de stupeur.

-Je ne peux pas demander cela à ton père, je sais qu’il refuserait. Il m’aime trop pour faire ça…

-Mais maman, comment peux-tu me demander cela ? Moi aussi, je t’aime ! m’exclamai-je, les larmes aux yeux.

-Sébastien, tu es le seul de la famille qui soit assez fort pour le faire. Ton père… ne pourra jamais le faire. Sébastien, promets-moi d’y réfléchir. Je ne te demande pas de me tuer, mais de supprimer les souffrances. N’est-ce pas ce que nous voulons éviter à ceux que nous aimons, de souffrir ? me dit-elle en souriant faiblement.

  Sur ce, je la laissai. J’avais besoin de réfléchir.

  Ce que je fis pendant des jours. Je tentais de peser le pour et le contre ; l’euthanasie était interdite en France, donc si j’acceptais, je deviendrais un criminel, mais d’un autre côté, j’aimais ma mère, j’aurais tout fit pour elle, je voulais soulager ses souffrances. Ironie du sort, je devais enlever la vie de la personne qui m’avait donnée la mienne…

  Quatre jours après cet entretien, je revins à l’hôpital. Aidé du docteur Legrand, j’injectai dans les veines de ma mère un produit qui la tuerait sans douleur, dans son sommeil. Toute notre petite famille était là : papa, qui observait la scène de l’autre côté du chevet de maman, Olivier, et Sylvie qui donnait la main à Thomas. Maman leur avait expliqué à tous, chacun à leur tour. Je pense qu’elle avait trouvé les mots pour chacun de nous, de papa jusqu’à la petite Sylvie. Ainsi, maman mourut de la main de son propre fils, aidé par son fils, et entourée de toute sa famille qui la regarda décéder lentement, dans son lit, un certain mardi 24 octobre.

  Comme si cela n’était pas assez difficile d’aider à mourir un membre de sa famille, le gouvernement m’accuse d’homicide volontaire. Et chaque nuit, je fais ce cauchemar…

Voilà, voilà. C'est un texte engagé ; moi, j'suis pour l'euthanasie.
NB : les deux premiers "assassins", au tout début du texte... ils apparaissent en gras, ne me demandez pas pourquoi, ça ne vient pas de moi mais du blog. 

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Commentaires
V
Entièrement d'accord avec Mytho. Même si légaliser l'euthanasie serait dangereux -il y aurait toujours des cas où ce serait du meurtre véritable et non de l'aide au suicide- c'est encore la meilleure solution pour éviter à des malheureux des tortures mentales et physiques. L'acharnement thérapeutique, c'est du pur égoïsme de la part des médecins qui veulent prouver qu'on peut sauver une personne -la science est là pour améliorer la condition des gens, pas pour les faire souffrir.<br /> La version de John de la "non-assistance à personne en danger", je crois qu'elle ne s'applique pas. Si quelqu'un n'a plus la volonté de vivre, c'est répugnant de l'y forcer.<br /> Et personnellement, j'aime bien ce texte V_V.
M
Je ne trouve pas que ce soit vraiment le texte qui prête à discussion, enfin, si, mais pas le but du texte, entendons-nous bien, mais la forme.<br /> Je suis d'accord, une euthanasie nécessite un témoin, la présence d'un notaire, d'un médecin, bref de quelques témoins officiels. Il faut qu'une loi dise comment une euthanasie doit se dérouler, avec qui, dans quelles conditions, etc.<br /> Mais il me semble qu'à partir du moment où une personne demande l'euthanasie, elle devrait pouvoir l'obtenir, que la maladie soit irréversible ou non. Personne n'empêche un homme de se suicider, c'est généralement un choix mûrement réfléchi. Une euthanasie n'est rien d'autre qu'un suicide par assistance parce que la personne ne peut pas se donner la mort elle-même, non ?<br /> Si la partie sur l'accusation de meurtre est très courte (je le reconnais, je n'ai pas bien fait mon travail), c'est parce que je n'ai pas voulu ennuyer mon lecteur. Je m'explique : le lecteur est censé faire le lien avec le début du texte, ça doit faire "tiiiiiilt !". Si je m'étais étalé sur l'accusation de l'Etat, le lecteur aurait sans doute été perdu et n'aurait pas pu faire facilement le lien avec le cauchemar. Mais je reconnais, j'admets, j'avoue que c'est effectivement trop court.<br /> Enfin, le jour où je tapais ce texte (je prends ma défense, sinon, qui le fera à ma place ?), à la fin, j'en avais marre, alors je ne l'ai pas relu, je l'ai posté ici, et hop ! j'étais débarrassé. Aucun respect pour le lecteur, dites-vous ? J'ai bien le droit de ne donner que des ébauches, na !
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