Le concombre cinématographique [ou le texte qui donne faim]
C'était l'heure du repas. Ma main se leva, ma main alla à la fourchette, ma main se prépara à saisir la fourchette, mes doigts s'écartèrent, mes doigts la touchèrent, mes doigts l'enlacèrent, mes doigts la serrèrent fort, ma main souleva la fourchette jusque vers mes yeux. Je l'examinai un instant. Puis, ma main entama la descente vers le concombre. La fourchette se tourna vers le concombre, tel le faucon fondant sur sa proie, prête à frapper ; la fourchette piqua le concombre sans décélérer, la fourchette le transperça de part en part, la fourchette entra en lui sans hésitation, la fourchette s'enfonça violemment, la fourchette ressortit humide, la fourchette fut soulevée à nouveau par la main en ramenant le concombre blessé avec elle. Habilement, la main se retourna en plein vol et tourna les dents de la fourchette vers le trou noir de ma bouche. La bouche était noire, mais le concombre pouvait voir les dents acérées et jaunâtres qui l'attendaient. La main accéléra vers la bouche. Le concombre entra dans la bouche noire, porté par la fourchette, la caverne bucale noire referma ses portes doucement, la fourchette se retira mais il était déjà trop tard pour le pauvre concombre qui était pris au piège – il ne se débattit pas, il se savait perdu -, il n'y avait plus assez d'espace pour fui, le concombre était perdu, perdu, perdu. La fourchette se retira. Le concombre fut plaqué contre l'entrée fermée, les crocs de la fourchette se retirèrent d'en-lui définitivement, le laissant seul dans la bouche noire pleine de dents acérées et jaunâtres qui l'attendaient impatiemment.
Alors, le carnage commença.