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L'archer poète
12 juillet 2006

Cécile

Cécile

  Le jeune homme courait en forêt. Cela faisait au moins deux heures qu’il n’entendait plus les autres et les chiens le poursuivre. Mais il continuait de courir, parce qu’il voulait s’éloigner le plus possible de cet endroit, et aussi parce qu’il s’était aperçu qu’il aimait courir, même si cela lui était difficile, surtout dans cette forêt où le sol avait été rendu glissant par la pluie et où il fallait contourner de nombreux obstacles, comme les arbres ou les pierres. Puis il aperçut une sorte de bloc, comme l’endroit qu’il fuyait, mais en beaucoup plus petit. Le jeune homme observa à travers l’une des deux fenêtres que rien ne bougeait à l’intérieur.

-Je peux t’aider ?

  Le jeune homme se retourna. Un individu se dressait devant lui. Son ton était grincheux mais pas menaçant.

-Je peux… Tu es aveugle ?

  Le jeune homme opina. L’autre bougonna :

-Prends mon bras. Je vais t’emmener dans ma cabane, elle est juste là. Tu pourras te reposer et nous discuterons.

  Le jeune homme commença à percevoir plus de détails car il se trouvait plus près de son interlocuteur : il semblait avoir une barbe, portait une veste large et un pantalon, ainsi que quelque chose qu’il n’avait jamais vu sous son bras, quelque chose d’assez grand et de pas très gros. Le jeune homme se laissa entraîner dans le petit bloc.

-Nous voici dans ce que j’appelle « mon pavillon de chasse ». Il s’agit juste d’une cabane dans laquelle je dors quand je pars chasser le week-end. Assieds-toi là. Tu veux boire quelque chose ?

J’ai de la tisane.

  Sans attendre de réponse, le chasseur lui versa du liquide chaud dans un récipient qu’il lui mit entre les mains. Le jeune homme but doucement la tisane brûlante tandis que son hôte l’observait. Il devait avoir entre seize et dix-sept ans. Il était de taille moyenne, voire petite pour un garçon de son âge. Il avait de longs cheveux châtains qui reposaient sur ses épaules et des yeux entièrement blancs. Il portait un sweat jaune avec capuche, un jean bleu et des baskets noires. Le chasseur se demanda s’il devait lui poser des questions ou non. Il n’avait qu’à essayer ; le jeune homme choisirai de répondre ou non.         

-D’où viens-tu ? Tu as fugué ? le questionna-t-il doucement après un silence.

-Je suis… parti.

  Il semblait avoir un peu de mal à parler, si bien que le chasseur se demanda si, en plus d’être aveugle, il n’était pas aussi mentalement handicapé.

-Comment t’appelles-tu ?

-Je suis M89EE03.

  Les yeux de son interlocuteur s’arrondirent.

-Ce n’est pas un nom, ça ! D’où viens-tu ?

-Si… Je suis M89EE03.

  Le chasseur soupira et répéta :

-D’où viens-tu ?

-J’ai… toujours vécu là-…bas, aussi… loin que je me… rappelle.

-Là-bas ?

-Oui.

-Tu ne sais pas ce que c’est, ou où cela se trouve ? Tu ne peux pas me donner d’autres précisions ?

  Le jeune homme secoua la tête en fermant les yeux.

-Et qu’est-ce que tu faisais, là-bas ?

-Souvent, je restais… dans mon lit et… je les attendais.

-Qui ça ?

-Les docteurs.

   Aïe, aïe, aïe, se dit son hôte, je suis tombé sur un complot gouvernemental ou quoi ?Il n’y a pas d’hôpital à moins de cinquante kilomètres, par ici !

-Et ces… docteurs, ils te faisaient quoi, au juste ?

-Je crois qu’ils… étaient intéressés par… mes yeux, parce qu’ils… me mettaient des gouttes… et quand ils… m’endormaient, quand je me… réveillais, j’avais mal… aux yeux.

  Le chasseur allait poser une autre question, mais il vit que son interlocuteur voulait continuer :

-Et il… y a quelques… jours, j’ai recommencé… à voir.

-A voir ?!

-Oui.

  Ainsi, ces docteurs avaient peut-être trouvé un remède contre la cécité.

-Il va falloir aller en parler à la police.

-Je ne veux pas… retourner là-bas.

-Je comprends, dit le propriétaire du « pavillon de chasse » en notant que le jeune homme avait moins de problèmes pour s’exprimer.

-Qu’est-ce que c’est ? demanda soudainement l’invité en désignant le seul ornement de la cabane, un cadre posé sur la fenêtre devant lui.

  Le chasseurs se retourna.

-Oh, ça… (Sa gorge se noua) C’est une photo de ma fille, Cécile.

  Le jeune homme avait senti le changement dans la voix de son hôte.

-Que… lui est-il arrivé ?

  Son interlocuteur s’étonna mais répondit après un bref silence :

-Elle est morte d’une tumeur au cerveau quand elle avait seize ans.

  Le jeune homme baissa les yeux, sachant que la mort d’un être était triste. Puis il reprit en levant la tête :

-Dîtes-moi… qu’est-ce que « fille » ?

  Son hôte s’étonna encore :

-Tu ne sais pas ce que c’est ?

-J’ai grandi… toute ma vie là-bas. On… n’apprenait pas grand chose.

-« Ma fille » veut dire que l’ai conçue avec ma femme ?

-« Conçue » ?

  Le chasseurs trouva gênant de devoir lui expliquer la procréation, aussi, il essaya autre chose :

-C’est notre enfant. Ma femme et moi sommes ses parents. Tout le monde a des parents. Personne ne sort comme ça du néant.

-Alors… moi aussi, j’ai des parents ?

  Il ne connaissait pas ses parents, mais il fallait s’en douter. De toute façon, il fallait bien que quelqu’un commence à enseigner la vie à cet adolescent déjà presque adulte.

-Oui, toi aussi, tu as des parents.

-Où sont-ils ?

-Si tout le monde a des parents, tout le monde ne sait pas où ils se trouvent, répondit habilement son interlocuteur.

-Et, ça sert à quoi, « parents » ?… Je ne sais pas… pourquoi, mais j’aimerais bien… les connaître.

  Le chasseur réfléchit un peu avant de répondre :

-Généralement, les parents élèvent leurs enfants avec amour pour qu’ils deviennent à leur tour des adultes.

-C’est quoi, « amour » ?

  Comment expliquer l’amour à quelqu’un qui sait si peu de chose ?

-Eh bien… C’est un sentiment très fort que l’on peut ressentir pour une personne. Il fait que l’on veut protéger cette personne de tout, parfois excessivement. Et il nous fait vouloir que l’autre nous aime aussi. Par exemple, moi, j’aime ma femme et elle m’aime, alors nous nous sommes épousés.

-Et vous aimiez Cécile ?

  La gorge du propriétaire de la cabane se noua encore.

-Comme un père peut aimer sa fille.

-Alors, on peut aimer… plusieurs personnes ?

-Bien sûr.

-Vous savez, je crois bien que je vous aime… Est-ce que vous m’aimez ?

  Le chasseur sourit, les larmes aux yeux. La question était si naïve !

-Oui… Je crois bien que, moi aussi, je t’aime.

  Le jeune homme lui sourit.

-Il va falloir te trouver un prénom.

-Cécile ?

  Le cœur de son hôte se serra et une larme tomba de son œil droit.

-C’est un nom de fille.

-Je ne peux pas être votre fille ?

  Il ne connaît pas la différence entre les sexes féminin et masculin ! Le chasseur décida de la lui expliquer plus tard. Le jeune homme semblait suppliant. Il avait besoin d’amour. Il n’avait probablement reçu qu’une froide indifférence pendant des années.

-Si, bien sûr. Tu seras Cécile.

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Commentaires
V
Bon, si je dis que j'ai adoré cette nouvelle et que j'en veux d'autres, il va demander un texte en échange, je vais dire non et il donnera plus de textes.<br /> *décide de se taire.*
F
et ben tu sais qwa pépé je l'aime bien cte nouvelle! mais c'est vrai qu'elle est pas super joyeuse^^''<br /> <br /> et puis, tu dois en faire d'autre!! alors au boulot!<br /> <br /> Flamme l'enquiquineuse
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